Le temps passe, les heures les jours, les mois, les saisons. Passe vite.
Ici tout reste blanc, blanc et bleu, mais surtout blanc.
Ce qui change, c'est la vie.
Tout l'hiver, nos seuls compagnons étaient les empereurs, personnalités placides, déambulant gravement. Une allure de Jean GABIN, traînant les pieds, les mains dans les poches. Notre rythme s'était calé sur le leur, tranquille tranquille.
Un seul objectif : la perpétuation de l'espèce (pas tout à fait comme nous, mais bref), pas de territoire, pas d'immobilier, des groupes fluctuants.
Puis sont venus, pour accoucher, les phoques de Weddel. De grosses limaces bonasses avec le regard de Jean LEFEVRE, qui se posent au plus près de leur trou d'accès dans la banquise. Pas d'immobilier non plus et des relations sociales au niveau zéro (tout à fait comme nous, mais bref).
Et voilà que l'été arrive, avec à nouveau des oiseaux dans le ciel, skuas, fulmars, damiers, petrels, peu nombreux pour le moment. Ils vont vite retrouver le cabanon familial, dont l'entrée est marquée depuis des générations par ... le vomi de petrel. Des petits propriétaires, des personnages de Jacques TATI
Mais surtout l'arrivée des Adélies. Le premier, qui avait l'air vraiment perdu, genre: on avait bien dit vendredi, non? où qu'ils sont tous? je me suis trompé de mois ou quoi? Puis deux autres puis huit, puis cinquante, et tout à coup, il y a en a partout, qui nous rappellent que c'est nous qui sommes chez eux, et pas le contraire.
L'Adélie là, c'est DE FUNES, courant partout à toute berzingue, les "bras" en arrière, empilant déjà les cailloux piqués au voisin pour créer le beau domaine qui accueillera la belle qui lui fera les beaux petits.
Du cinéma, de l'organisation sociale: sans doute la préparation à notre retour dans la vraie vie.
La roue tourne.
PS: Tu t'es fait du souci pour mon lobe: l'alerte est passée. Toi et moi pouvons donc dormir sur nos deux oreilles.