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samedi 28 avril 2012

L'ombre de nous même


Tout ce que j'avais lu et étudié sur la psychologie d'hivernage était pourtant formel:  l'hivernage est une épreuve forte, l'isolement, la promiscuité, les conditions de vie, tout ça.... nous devrions n'être que l'ombre de nous-même.
Bien sur, seul le premier quart est fait, le plus dur est devant nous, mais  jusque là pas de quoi se plaindre.
Bon, chacun vit cela à sa façon, et le secret médical est le secret médical. Je ne rentrerai donc pas dans les détails, mais je peux tout de même dévoiler deux points:
1) notre masse globale n'a pas changé (ce qui masque quelques ... disparités)
2) on devrait tenir le coup jusqu'au bout

A propos d'ombre de nous-même, voici quelques photos qui montrent que le moral est haut même si le soleil est bas.





jeudi 19 avril 2012

71 Noeuds


Là on rigole plus.
Surtout qu'il fait - 11, avec le facteur éolien,  c'est -26 de température ressentie.
Sortir demande ...un peu de préparation.
Chaussettes dans les crocs, veste bonnet gants.
Le vent vient du Sud (catabatique). Le seau que je porte est à l'horizontale au bout de mon bras.
Les passerelles zigzagent d'un bâtiment à l'autre, tu zigzages sur les passerelles. Chaque virage est un virement de bord, ton élan est coupé, il faut chercher  un nouvel équilibre et retrouver de la puissance. Un virement de bord comme sur Lulu, avec la gîte, bien sur. Et puis tout à coup, vent dans le dos, c'est l'empannage attendu mais violent tout de même, suivi d'un départ au surf, genoux pliés pour ralentir, les orteils écrabouillés au bout des chaussures.
Virement à la bouée, reprise du bord de près, position 180 sur l'autoroute sans carénage, les yeux plissées comme le dalai lama.
Au bout du trajet, le gouter: cookies, chouquettes, fondue au chocolat.
Toutes les vestes en vrac dans le séjour, on se croirait dans un restaurant d'altitude.
La montagne à la mer.


Noir



Noir, noir foncé. Pas moyen de "sentir" par le regard à quelle distance sont les murs. La haut, l'ombre d'une lueur, sans doute une rémanence dans un tube fluo. A gauche (gauche de quoi?) un vague point verdâtre fixe, et un autre qui semble bouger. Petit ou loin???
La musique, forte, un espèce de jazz fusion, j'ai été bête, je l'ai mis un peu trop fort, c'est pas ce que je préfère, mais maintenant, dans ce noir, va trouver le bouton! Derrière, ce n'est pas le bruit des réacteurs de l'avion, c'est le vent: il y avait 140 km/h tout à l'heure, ce bâtiment vibre autant que le 42. Dans le noir c'est un peu bizarre.
Voilà, le petit point mobile semble rejoindre le premier,  une minute pile.
Je "pêche" le film radiographique dans le bac de gauche, pour le rincer dans le bac du milieu, plein d'eau. Rince rince rince, jusqu'à ce que le point mobile soit à l'opposé du fixe, et hop, dans le bac de droite, le fixateur, pour encore une minute, le point mobile sera revenu en bas.
Une minute flottante à attendre qu'agissent les produits, debout dans le noir complet, les oreilles pleines du bruit du vent et de cette musique qui m'est vraiment étrangère. Les mains sur le rebord des bacs, les doigts dans le liquide, je m'assure que je suis bien vertical, et pas en train de flotter dans l'espace.
Qu'est ce que je fiche là???
Dans un labo photo, en train de développer, le noir, les odeurs, l'attente... je me retrouve avec Jean Marc dans le labo photo de sa maison, le seul labo photo où je n'ai jamais du rentrer de ma vie. C'était en 72, 73??? Je crois que nous développions des photos des courses de motos sur glace à l'anneau de vitesse de Grenoble, c'est pas d'hier, hein?
Cette fois ci, je développe des radiographies de la mandibule d'un phoque trouvé mort sur la banquise. Hier, autopsie sur place aux cotés du véto et des biologistes, aujourd'hui j'apporte mon savoir tout neuf de dentiste pour extraire quelques dents qui serviront à préciser l'âge de la bestiole (350 kgs tout de même). Et l'idée de faire une radio de cette mandibule, car la canine est incroyablement développée, sa racine emplissant l'os mandibulaire, et venant sous les 3 dents suivantes!
Merci à Alain et à François de m'avoir enseigné le maniement de l'élévateur. Sale outil tout de même.
Minute finie, lumière: l'image est bonne. c'est bien ça, l'apex de cette énorme canine est tronqué. Je n'ai pas laissé de bout de racine en faisant l'extraction de l'autre coté.




Questions perfides


Comme je suis pas une balance, je ne dénoncerai pas le malfaisant qui m'a envoyé un mail pour me dire que les asperges étaient délicieuses avec du Condrieu.

Arghhh!

Pour me venger, je vais répondre ici à quelques unes de ses questions, d'autant que s'il les pose, c'est que la réponse n'est pas dans le blog....

  • Tu peux faire du sport sur ta banquise ? Vous avez des infrastructures couvertes ?
 
On a déjà essayé le foot, mais le résultat est aussi dangereux que le rugby sur neige au col de la croix de fer en attendant l'hélico (j'me comprends). Nous avons une salle de sport, elle est couverte, mais de la à parler d'infrastructure... N'empêche que faire du vélo ou du tapis avec les bergs devant la fenêtre, c'est pas mal...

  • Tu as eu quelques gestes médicaux un peu inhabituels à réaliser ? Toi qui t’es préparé pour le cas où, ça te sert ?

Bien sur, le secret médical ne me permettra pas de tout dire, mais je viens de réaliser une extraction dentaire complète, sacré geste, pour lequel j'étais parfaitement au point. J'ai pourtant réussi à me faire une grosse ampoule dans le creux de la main, en forçant sur le manche de l'élévateur. Il faut dire qu'il s'agissait d'un cadavre de phoque de 350 kg, prélèvement à visée autopsique...

  • Vous êtes sûrement plusieurs nationalités réunies parmi les 29 ? Lesquelles sont représentées ? Vous arrivez à communiquer ? Ou bien n’y a-t-il que des Frenchies ??
La base est française, et si nous avons vu passer plusieurs nationalités pendant la campagne d'été (Canada, Australie, Italie, Suisse, Ethiopie etc..) nous ne sommes qu'entre Français maintenant, à l'exception d'un couple franco australien qui réalise un film sur les Empereurs pour la BBC. Ca communique bien malgré les accents des terroirs.

  • Côté bouffe (ben oui, c’est important), c’est quoi le menu type ? Vous avez des trucs frais congelés (viandes etc…) ? Et le pinard ?? Comment tu fais ??
Tu penses que c'est important ! Pas de menu type, mais 2 types pour le menu: Bertrand le cuisinier, plein de surprises et de qualité, un bosseur; et Thomas, le boulanger, qui se met tranquillement à la pâtisserie, pas tous les jours, heureusement, car son gateau au 3 chocolats, et sa tarte à la plaquette de beurre parfumée citron sont des vraies tueries. Poids stable pour la plupart d'entre nous. Nous disposons d'un grand hangar à +4°, et d'une grande chambre froide à - 20°. "Manip" vivre tous les samedi à 13h15

Le pinard en cubi sappelle du COOLABA, c'est australien, mais oublies.... Avant hier soir un medoc correct, mais si tu viens ici, amènes tes réserves, tu serais malheureux. Heureusement, un de mes sponsors principaux (merci maman) m'a équipé d'une bouteille de VEP... de 3 litres, pour les afters.

  • La base d’hivernage est grande ? 
Grand, grand ... Je sais pas moi ; disons que le séjour est grand comme le sporting, le "42" comme un Formule 1, l'hopital comme mon cabinet médical, et les WC douches comme celles du camping municipal de CHARAVINES. Rajoutes le magasin général, le garage et les batîments scientifiques, c'est grand, oui, comme le hameau de la Garde sur la route de l'Alpe d'Huez.

  • Ça y est tu bascules progressivement vers plus de nuit que de jour ? Tu vois un effet sur les comportements des personnes ? Tu penses que ça peut engendrer des formes de dépression ou des trucs de ce genre ? Ou bien tout le monde est bien préparé ? Certains ont-ils déjà vécu ces périodes d’hivernage ou bien c’est la 1ère fois pour tous ? Tu as quelques joyeux drilles pour faire le con ou bien c’est du GIK et du chercheurs à barbe sans moustache ... type prof du CNRS avec haleine fétide, chemise nylon et semelle crêpe ??
Pour l'instant, ca va. Ca va même mieux que pendant l'été, où il était difficile d'aller se coucher à minuit avec le soleil en l'air. Mais nous perdons 8 minutes de soleil par jour. Nous sommes bien préparés mais on ne sait jamais. Un seul d'entre nous a déjà hiverné ici, d'autres avaient déjà hiverné dans des bases sub antarctiques, sans connaître la nuit polaire. Et puis beaucoup, comme toi et moi, passent habituellement l'hiver sans voir le jour, n'est ce pas... L'ambiance est plutôt à faire les cons, mais la conso d'alcool est remarquablement raisonnable. Tant mieux. Pas d'haleine fétide (je m'en serais occupé!), quelques tongs et pantoufles, mais le costume national ici, c'est plutôt un genre de tenue de ski rouge et les SORELS.

  • Tu garde la barbe jusqu’au bout ?? on dirait le yéti !!! 
Ma barbe est partie, je passe un coup de tondeuse par semaine pour le moment. Merci pour le Yéti, espèce de Dark Vador !

Amitiés.

les zéros polaires


Sur le quai de Hobbart, devant l'Astrolabe, deux cacas discutent.
Arrive une petite diarrhée:

"Hé les gars, qu'est ce que vous faites?"
"On part en Terre Adélie"
"Super, je peux venir avec vous?"
"Nan, L'Antarctique, c'est pour les durs"

Robert et Felix


DDU, décor des années 70, musique des années 70: 
Hugues Aufray (bon, d'accord...), Léo Ferré (que du bon), Robert Charlebois et Felix Leclerc.
Ces deux là, je l'avoue, je les avais vraiment perdus de vue.
Pourtant JE ME SOUVIENS que dans les années 70, j'ai écouté à coeur perdu:

Nous partirons, nous partirons seuls, nous partirons seuls loin
Pendant que nos parents dorment
Nous prendrons le chemin, nous prendrons notre enfance
Un peu d'eau et de pain
Et beaucoup d'espérance
Nous sortirons pieds nus en silence
Nous sortirons par l'horizon

et aussi

Par les soirs bleus d'été, j'irai par les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue
Rêveur, j'en sentirai, la fraîcheur à mes pieds
Je laisserai le vent peigner ma tête nue

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien
Et l'amour infini
Me montera dans l'âme

Et j'irai loin, loin bien loin
Comme un bohémien
Par la nature
Heureux comme avec une femme

Rimbaud 
Felix Leclerc et Robert  Charlebois, pas mes profs de Français.
Mais quand même.
Vous comprenez  un peu pourquoi je suis sorti par l'horizon, heureux comme avec une femme?

PS: quand je parle d'une femme, bien sur, j'embrasse Baba!

vendredi 6 avril 2012

LOST


Nuit centrale ce vendredi soir, au pied levé, pour remplacer Nicelec qui a un gros chantier à finir demain matin. Tout seul dans la cage de verre de la salle de controle, devant mon ordinateur, bercé par le ronron  (pourvu que ca dure..) du générateur. Toutes les 2 heures, une série  de relevés à faire: isolement, puissance intensité fréquence  et tension du générateur,  pression huile eau gasoil, température eau échappement, huile du moteur, salinité, pH, conductivité, débit eau de mer, eau douce, pressions températures du bouilleur, température des aérothermes de refroidissement. 
Ouf. 
Tout ca pour produit du courant avec l'un des trois générateurs diesels, utilisé par la base et aussi pour distiller de l'eau de mer en eau potable

L'impression de veiller - comme la garde médicale, comme tout veilleur de nuit -  de prendre soin des autres. Jusqu'à l'aube. J'aime bien.
Un petit mail de Léa qui me compare au personnage de LOST, veillant à ce la planète ne se démagnétise pas...pas vraiment, mais quand même, la production d'électricité est ce soir à 8 988 313: c'est pas rien, non?

Et puis en finissant ma tournée: c'est la première fois que je fais pipi avec un casque antibruit sur les oreilles: c'est pas rien non plus. 
Mais dans le miroir, j'ai l'air un peu... LOST



mardi 3 avril 2012


Blizzard, vous avez dit blizzard?
Le séjour est à 40 mètres. Je suis arrivé au petit déjeuner gelé (moi, pas le petit déjeuner). Mon sourcil au vent (le gauche) englacé, le sinus sous jacent douloureux.

La neige est passé à travers mon jean, je dis bien à travers, pas par dessous. J'ai été projeté deux fois contre la barrière, j'ai reculé involontairement de 2 mètres au coin, là où le vent accélère encore.
Les fenêtres s'obscurcissent rapidement, certains ont ouvert leur store ce matin sur une plaque de neige infiltrée entre le store et la vitre par un minuscule défaut du joint. Des congères se forment devant les portes, mais à l'intérieur!

Pour l'instant, le vent moyen est à 52 noeuds, le pic récent à 85 noeuds (160 km/h). C'est parti pour deux jours, c'est impressionnant. Pas dangereux pour nous, mais si nous dormions sous la tente, avec des vêtements de flanelle comme les pionniers...

Le bruit est permanent, le bâtiment vibre, mais bouge peu, car le vent est assez constant.


Pour le moment, ça fait marrer tout le monde, le chauffage marche bien, la pompe d'eau de mer est repartie.



Et puis de toute façon, ici, il n'y a ni pissenlits, ni morilles....et s'il y en avait on n'aurait pas le droit de les ramasser.